Revisiter les classiques en cuisine avec les plantes sauvages

Posté le29/07/2023

Au Paléolithique, qui débute il y a environ 2,6 millions d’années et se termine il y a 10 000 ans, les végétaux pouvaient représenter jusqu’à 80% de l’alimentation du chasseur-cueilleur. La maîtrise du feu puis la cuisson ont offert une meilleure digestibilité donc une augmentation de la biodisponibilité des nutriments présents dans les végétaux. Au fil des générations cela a conduit, avec d’autres facteurs, à des évolutions physiologiques et morphologiques. La taille du cerveau a augmenté tandis que celle des dents a diminué.

Les plantes sauvages ont donc joué un rôle très important dans notre évolution.

Pourtant, bien souvent elles sont encore considérées comme des mauvaises herbes, envahissantes et inutiles.

Riches de l’interaction avec leur environnement, elles regorgent de nutriments et de saveurs. Voici une sélection d’idées pour ajouter une touche de sauvage à votre cuisine !

 

Des succédanés de café


Gaillet gratteron (Galium aparine)

Phytothérapie de gaillet gratteron - Extrait de plantes fraîches bio - Herbiolys

Les gaillets font partie de la même famille que les cafés (Coffea arabica et Coffea robusta) : ce sont des rubiacées.

Le gaillet gratteron, vous le connaissez sans doute : c’est cette plante herbacée qui colle à vos vêtements ! D’ailleurs aparine provient du grec aparíni « qui agrippe ».

Ses feuilles poilues sont disposées en verticilles sur la tige, ses fleurs, à 4 pétales, sont blanches. La floraison peut avoir lieu de mai à octobre. C’est à l’automne que les fruits mûrs et bruns sont récoltés afin d’être torréfiés puis moulus.

Traditionnellement, ce gaillet est utilisé dans les affections cutanées nécessitant un drainage de la peau comme l’eczéma ou l’acné. Son extrait hydroalcoolique est recommandé dans l’accompagnement des troubles circulatoires, en particulier les jambes lourdes et la rétention d’eau. Il est contre-indiqué en cas d’affection hépatique.


Chicorée (Cichorium intybus)

Phytothérapie de Chicorée - Extrait de plantes fraîches bio - Herbiolys

Les Égyptiens de l'Antiquité l’utilisaient déjà pour ses vertus médicinales. C'est au XVIIIe siècle que son utilisation comme succédané de café s'est développée en Europe. A cette époque, les guerres et les blocus maritimes empêchaient l'importation. La chicorée s'est avérée être un excellent substitut. Les racines étaient séchées, torréfiées, moulues et mélangées avec de l'eau chaude pour produire une boisson similaire au café. Cette pratique a perduré après les guerres et les blocus.

La racine se ramasse à l’automne et à l’hiver. La récolte sera plus simple après avoir repéré en été ses capitules bleus aux fleurs ligulées.

Cette plante dépurative est traditionnellement recommandée comme stimulant digestif (atonie digestive, flatulence, constipation, manque d’appétit) ou comme diurétique. Elle peut être utilisée pour faciliter la perte de poids en complément de mesures diététiques.

Par précaution, son usage est déconseillé en cas de calculs biliaires.


Pissenlit (Taraxacum officinale)

Phytothérapie de Pissenlit - Extrait de plantes fraîches bio - Herbiolys

L'utilisation des racines de pissenlit comme boisson remonterait à l'époque médiévale, où les moines s’en servaient pendant les périodes de jeûne. Elles se préparent de façon identique à celles de chicorée. Ces deux plantes, qui sont des Astéracées, possèdent d’ailleurs de l’inuline, un polysaccharide fréquent dans cette famille, aujourd’hui réputée pour ses propriétés prébiotiques.

En associant la racine de pissenlit à celle de la bardane et à la pensée sauvage, nous obtenons un mélange dépuratif très classique dans l’accompagnement des problèmes de peau.

 

Des « champagnes », des « bières » et des « vins »

 

Le "champagne des fées" ou "champagne de sureau" est une boisson pétillante à base de fleurs de sureau bien connue dont l’origine remonte à l'Antiquité, où cet arbuste était déjà considéré comme une plante sacrée, associée aux esprits de la nature et aux fées.

Mais il existe bien d’autres boissons sauvages !


La frênette, une « bière » de frêne ou un « champagne » des forêts ?

Préparée à partir des feuilles du frêne (Fraxinus excelsior), la frênette est une boisson rafraîchissante réputée tonique et dépurative. Sa préparation remonte au Moyen Âge où elle était parfois consommée pendant le carême, une période de jeûne et de privation avant Pâques.

C’est autour du solstice d’été que les feuilles sont récoltées, quand la face inférieure est collante, sucrée. Pour 1 litre de frênette, environ 5 gr de feuilles fraîches seront mises à macérer dans de l’eau froide additionnée de 20 gr à 40 gr de sucre. Après deux semaines, la boisson est prête à être consommée.

Pendant la phase de fermentation il est possible d’ajouter des cônes de houblon et/ou de la racine de chicorée.

Cet « arbre des centenaires » est associé à la longévité et passe pour un remède de longue vie. La feuille de frêne est utilisée dans l’accompagnement des manifestations articulaires douloureuses (arthrite, goutte, tendinites, foulures) mais aussi pour faciliter les fonctions d’éliminations de l’organisme ou la perte de poids (en complément de mesures diététiques).


La trouspinette, un « vin » d’épine

Le prunellier (Prunus spinosa), est un arbrisseau épineux très commun des haies champêtres. C’est une espèce pionnière des friches et des pâtures qui peut conduire à la formation de buissons infranchissables.

La trouspinette est une boisson alcoolisée obtenue par la macération des jeunes feuilles de l’arbuste. Il pourrait se confondre avec l’aubépine mais cette dernière livre ses feuilles avant ses fleurs, tandis que le prunellier fait l'inverse. Ainsi, lorsque vient le moment de récolter le prunellier pour la trouspinette, plus aucune fleur n'est visible, alors que l'aubépine présente à la fois ses feuilles et ses fleurs. Par ailleurs, le bois du prunellier est très foncé, ce qui lui vaut un autre de ses noms, épine noire.

Après avoir été nettoyées, les feuilles sont plongées dans du vin blanc. Au bout de deux à trois semaines, la préparation est filtrée et sucrée. Pour une bouteille, compter 2 poignées de jeunes pousses et 20 gr de sucre.

La trouspinette peut être consommée fraîche comme apéritif ou digestif, ou encore servir de base pour des cocktails.

Les fleurs de pissenlits ou les feuilles d’aspérule odorante peuvent être substituées aux feuilles de prunellier pour créer d’autres vins aromatisés.

Il convient toutefois de rappeler que l’alcool est dangereux pour la santé et qu’il est à consommer avec modération.

En phytothérapie, le prunellier est recommandé pour ses propriétés astringentes, diurétiques et laxatives. Il est notamment proposé pour soulager les problèmes intestinaux et dans l’accompagnement des surcharges métaboliques.

 

Un repas à base de plantes sauvages ?


Tzatziki de pimprenelle et de pourpier

Traditionnellement, c’est une sauce à base de yaourt, de concombre, d'ail et d'herbes aromatiques. Pour revisiter cette recette traditionnelle grecque, on peut remplacer le concombre par des feuilles de pourpier et de pimprenelle : la petite pimprenelle (Sanguisorba minor) ou la grande pimprenelle (Sanguisorba officinalis). Ces plantes sauvages ajoutent de la fraîcheur et une touche d'originalité à cette sauce. Le mélange de saveurs est parfait pour accompagner les viandes grillées ou les dips de légumes frais.

Le pourpier (Portulaca oleracea) est une plante succulente riche en vitamines C, E et en acides gras oméga-3. Il est consommé depuis l’Antiquité comme légume. La petite pimprenelle (Sanguisorba minor) quant à elle, est une excellente source de vitamine C et possède un goût de concombre.

Anti-oxydant et dépuratif, le pourpier peut être utilisé dans l’accompagnement de l’acné. La pimprenelle, hémostatique, cicatrisante et astringente, est traditionnellement utilisée dans les cas de diarrhées et de métrorragies.


Omelette aux champignons... sans champignon

L'épiaire des bois (Stachys sylvatica) également appelée ortie puante, est une plante de la famille des Lamiacées commune dans les sous-bois. Alors qu’on lui prête une odeur de serpillère mouillée lorsqu’elle est fraiche, une fois cuite son arôme rappelle celui du cèpe.

Antispasmodique, elle a longtemps été utilisée comme plante médicinale avant d’être pratiquement abandonnée.

Les inflorescences des plantains (Plantago sp.) ont également une saveur légèrement boisée et rappellent le goût des champignons. Les feuilles, en usage externe, soulageront les démangeaisons provoquées par des piqûres (orties, insectes) grâce à leurs propriétés antihistaminiques.

Pour réaliser une omelette, il suffit de faire revenir l'épiaire et les inflorescences de plantain dans une poêle avec de l'huile d'olive. Ajouter ensuite des œufs battus, du sel et du poivre, laisser cuire à feu doux jusqu'à ce que l'omelette soit bien prise.

Servir avec une salade.


On se lève tous pour cette fameuse crème dessert

Il est possible de réaliser une délicieuse crème dessert avec seulement quatre ingrédients : du lait, du sucre, de la fécule, une plante aromatique.

Nous commencerons par faire infuser deux belles poignées de fleurs dans 500 ml de lait (cela peut-être du lait végétal). Porter à ébullition avant de couper le feu. Laisser macérer 15 min puis filtrer. Ajouter 4 gr de fécule, 20 gr de sucre et mettre de nouveau sur le feu. Remuer au fouet sans arrêter jusqu’à ce que le mélange s’épaississe. Servir bien frais !

Quelques exemples qui ont déjà fait leur preuve à ma table : fleurs de prunellier, fleurs de gaillet croisette, graines de grande berce, graines d’angélique sylvestre, feuilles d’aspérule odorante.

 

Les plantes sauvages offrent une grande variété de saveurs, ainsi que de nombreux bienfaits pour la santé. Elles permettent de revisiter les recettes traditionnelles en leur donnant une touche originale et créative. En les intégrant dans notre cuisine, nous pouvons non seulement créer des plats délicieux, mais aussi participer à la conservation et à la transmission de savoirs. Il est important de noter que la cueillette de plantes sauvages nécessite des connaissances de base en botanique, écologie et environnement afin de préserver à la fois sa propre santé et celle du milieu. Il est donc essentiel de s'informer auprès de personnes compétentes et de prendre des précautions avant de se lancer dans la cueillette de plantes sauvages.

 

Claire Mison, praticienne en Herboristerie traditionnelle



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