Le gui : entre traditions et science

Posté le26/05/2025

Plante emblématique des traditions européennes, le gui (Viscum album) intrigue par son mode de vie hémiparasite et ses usages, parfois mystérieux. Vénéré par les druides, il servait aussi de fourrage hivernal dès le Néolithique, notamment pour les ruminants. Des analyses archéologiques et des témoignages historiques attestent de son rôle nutritif, riche en azote et en minéraux, malgré sa réputation de plante toxique. Son feuillage, consommé avec précaution, améliorait la production laitière. Aujourd’hui, il est étudié pour ses propriétés médicinales, particulièrement en oncologie. Entre ethnobotanique et médecine moderne, il mérite d’être redécouvert sous un angle nouveau.


Botanique et singularités

De la famille des Santalacées, le gui adopte un mode de vie semi-parasite en prélevant eau et sels minéraux sur son arbre-hôte tout en conservant une certaine autonomie grâce à la photosynthèse. Il colonise divers feuillus, tels que les pommiers, peupliers, aubépines et tilleuls, et plus rarement certains résineux comme le sapin blanc ou le pin sylvestre.

Espèce dioïque, il porte des fleurs mâles et femelles sur des individus distincts. Sa floraison, discrète et jaunâtre, a lieu au printemps. Son feuillage persistant et ses rameaux dichotomes forment des touffes sphériques qui peuvent atteindre un mètre de diamètre. En hiver, ses baies blanches et translucides, riches en mucilage collant (viscine), deviennent une précieuse ressource pour les oiseaux frugivores. Certains en disséminent les graines en les ingérant et en les rejetant sur de nouvelles branches, tandis que d'autres, trop petits pour les avaler, les transportent et les fixent ailleurs. Une fois installée, la graine développe un haustorium qui traverse l’écorce et se connecte aux vaisseaux de l’arbre. Bien qu’il puisse fragiliser son hôte, le gui joue un rôle écologique essentiel en nourrissant de nombreuses espèces d’oiseaux.


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Les principes actifs du gui

Parmi ses composés se trouvent les lectines. Ce sont des glycoprotéines qui en se liant aux membranes de la cellule induisent sa mort. Les viscotoxines, quant à elles, sont des peptides soufrés appartenant à la famille des thionines. Elles possèdent des propriétés cytotoxiques agissant sur les champignons, les bactéries et les cellules animales et végétales. Ce pouvoir toxique pourrait contribuer à la défense de la plante contre les agents pathogènes et les insectes. Chez l’homme, en se fixant sur les membranes cellulaires, elles affecteraient le système cardiovasculaire, provoquant troubles du rythme et collapsus.

L’intérêt de ces composés réside dans leurs propriétés immunomodulatrices et leur potentiel thérapeutique dans le traitement du cancer. Cependant, l’évaluation scientifique des extraits de gui reste complexe, car leur composition fluctue en fonction de plusieurs facteurs : la saison de récolte, l’espèce végétale parasitée, la partie de la plante utilisée et la méthode d’extraction employée. Ces variations influencent leur efficacité et nécessitent des études approfondies pour mieux comprendre leur impact et leurs applications cliniques.

Le gui renferme aussi des flavonoïdes aux propriétés antioxydantes, ainsi que des phénylpropanes, des polysaccharides, des terpénoïdes et divers alcaloïdes et acides.


Un espoir en cancérologie ?

L’utilisation du gui dans ce domaine trouve son origine au début du XXe siècle avec Rudolf Steiner, fondateur de l’anthroposophie qui le considérait comme une plante dotée de propriétés spécifiques en raison de son mode de croissance particulier.

Il est utilisé depuis plusieurs décennies comme traitement adjuvant ou palliatif en cancérologie, en particulier en Suisse et en Allemagne. Ses mécanismes d’action restent partiellement élucidés, mais plusieurs hypothèses sont avancées. Parmi elles, l’induction de l’apoptose des cellules tumorales, l’inhibition de l’angiogenèse et la stimulation du système immunitaire.

De nombreuses études ont analysé l’impact du gui sur la survie des patients atteints de cancer, mais leurs résultats restent contradictoires en raison de la variabilité des protocoles et de la faible qualité méthodologique des essais. Certaines recherches suggèrent que les extraits de cette plante pourraient atténuer les effets secondaires des traitements anticancéreux, notamment en réduisant la fatigue et en améliorant la qualité de vie après une radiothérapie ou une chimiothérapie. Toutefois, ces données restent incertaines et nécessitent des études complémentaires pour être confirmées.


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Utilisation en phytothérapie

Le gui est une plante singulière, marquée par une riche histoire d’usages, de rites et de traditions. Si ces pratiques anciennes ont certainement influencé la perception de ses vertus, son intérêt thérapeutique dépasse le cadre symbolique et mystique qui l’entoure.

En médecine populaire, ses feuilles fraîches ou séchées sont reconnues pour leurs bienfaits sur divers troubles métaboliques (notamment le diabète et l’artériosclérose), les crises de goutte et les douleurs rhumatismales. Le gui est également apprécié pour son action régulatrice de la tension artérielle. Ses propriétés hémostatiques en font un remède traditionnellement utilisé pour limiter les hémorragies, qu’elles soient intestinales, pulmonaires, menstruelles (ménorragies) ou nasales (épistaxis). Il joue un rôle préventif contre les accidents vasculaires cérébraux. Il a été employé pour atténuer les manifestations de l’épilepsie, grâce à ses effets antispasmodiques. Ces propriétés lui ont valu d’être utilisé dans l’accompagnement des affections impliquant des spasmes, comme l’asthme, les toux convulsives, la coqueluche ou encore les hoquets persistants.

L’extrait hydroalcoolique de gui d’aubépine (Viscum album crataegi) combine les vertus des deux plantes pour soutenir la santé cardiovasculaire. Le gui, reconnu pour son effet régulateur sur la tension artérielle, favorise un meilleur équilibre circulatoire. L’aubépine, quant à elle, est appréciée pour réguler le rythme cardiaque.

Ensemble, ils forment une synergie intéressante pour les personnes souffrant de troubles cardiovasculaires tels que l’hypertension légère à modérée, les palpitations ou l’insuffisance cardiaque débutante. En complément, l’association avec l’extrait hydroalcoolique de mélisse (Melissa officinalis) peut être envisagée en cas de stress ou de nervosité ayant un impact sur la santé du cœur.

Dans une optique d’accompagnement de la surcharge métabolique, l’extrait hydroalcoolique de gui d’aubépine (Viscum album crataegi) peut être associé à celui de l’olivier (Olea europaea), reconnu pour son action sur la régulation lipidique et glycémique.

Pour les règles abondantes (ménorragies), une association avec l’alchémille (Alchemilla vulgaris), aux propriétés astringentes et tonifiantes, et l’achillée millefeuille (Achillea millefolium), hémostatique et antispasmodique, pourra être privilégiée.


Gui - Gemmothérapie - Bourgeon frais bio - Herbiolys Laboratoire

Le gui trouve aussi sa place en gemmothérapie autour des troubles liés à la ménopause. En combinaison avec la gemmothérapie d’airelle rouge (Vaccinium vitis-idaea), il atténue les symptômes liés au vieillissement hormonal et aux troubles circulatoires qui peuvent en résulter. En outre, son effet anti-sclérotique en fait un allié dans le traitement des tumeurs bénignes et des kystes mammaires, notamment lorsqu’il est associé à la gemmothérapie de bouleau verruqueux (Betula pendula) et de houx (Ilex aquifolium).

Enfin, la gemmothérapie de gui est aussi employée pour son action sur le système nerveux. Il pourrait être utilisé en complément du macérat de tilleul (Tilia tomentosa) pour soulager les migraines spasmodiques, en particulier celles survenant lors de la ménopause. Son association avec le houx (Ilex aquifolium) est également envisagée dans l’accompagnement de certaines pathologies neurologiques comme la névralgie ou l’épilepsie.

Dans tous les cas, il est recommandé de prendre un total de 15 gouttes d’extrait matin et soir, soit directement sous la langue, soit diluées dans un fond d’eau peu minéralisée. La prise doit être espacée des repas et peut être renouvelée après une semaine de pause.


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Histoire et traditions autour du gui

Le gui a traversé les âges. Depuis l’Antiquité, il est vénéré pour son lien avec le sacré. Chez les Celtes, il occupait une place importante dans les pratiques druidiques. Ils le récoltaient avec une faucille d’or lors de cérémonies solennelles, convaincus qu’il possédait des vertus curatives et protectrices, surtout lorsqu’il poussait sur du chêne.

Dans la mythologie nordique, il est au cœur d’un récit tragique et symbolique. Balder, le dieu de la lumière et de la pureté, était invulnérable à toutes les choses du monde, sauf au gui. Son frère Loki, rusé et malveillant, exploita cette faiblesse pour provoquer sa mort en fabriquant une flèche avec cette plante. Frigg, leur mère, inconsolable, finit par faire du gui un symbole d’amour.

On le retrouve également dans l’Enéide de Virgile, un récit narrant les épreuves du troyen Enée. Son rameau de gui, assimilé au rameau d’or, y incarne un symbole sacré de vie éternelle et de passage entre les mondes, choisi par Vénus elle-même pour guider son fils Énée vers les Enfers.

Au fil des siècles, cette plante est restée ancrée dans les coutumes populaires. Dans de nombreuses cultures européennes, elle était suspendue aux portes des maisons pour éloigner le mal et attirer la bonne fortune. Cette coutume s’est progressivement intégrée aux festivités de Noël et du Nouvel An, où l’on s’embrasse sous une branche de gui pour s’assurer bonheur et prospérité pour l’année à venir.


Entre traditions et recherche scientifique, il continue de fasciner et d’interroger.
Toutefois, son usage doit rester encadré, car il peut entraîner des effets secondaires ou interagir avec certains traitements médicamenteux. Par ailleurs, sa consommation est déconseillée aux femmes enceintes, car elle pourrait stimuler l’utérus et provoquer un accouchement prématuré. Ainsi, si le gui représente une piste prometteuse pour la santé, il est préférable que son utilisation soit supervisée par un professionnel de santé.


Claire Mison, praticienne en herboristerie traditionnelle, créatrice d’expériences végétales, formatrice et animatrice en phytothérapie, botanique et plantes sauvages comestibles.

Étiquette: Cancer
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