La famille des papaveracées

Posté le31/10/2022

Connaissez-vous cette statuette datant de la fin de la civilisation antique minoenne qui porte une couronne de capsules de pavots, et qui symbolise la santé et la fécondité ? Ou peut-être le mythe de Demeter, la Mère de la Terre, déesse des cultures et des moissons, qui adoucira sa peine en buvant le suc d’un pavot lorsqu’Hadès, dieu des Enfers, lui enleva sa fille Perséphone ? Et celui de Morphée, dieu des songes, qui nous touche la tête chaque soir avec ses pavots pour nous endormir ? Avec leurs nombreuses graines et leurs alcaloïdes psychoactifs, les plantes de la famille des papaveracées accompagnent l’Homme depuis des millénaires.

 

Faisons connaissance avec cette famille

 

Sommaire présentation

Le nom de cette famille provient de son genre le plus important Papaver, celui des pavots et des coquelicots. D’autres genres sont bien représentés, comme le genre Fumaria (les fumeterres), Corydalis (les corydales) et Chelidnonium (les chélidoines).

Dans nos régions nous n’avons que des espèces herbacées annuelles ou vicaces, mais il existe des espèces arbustives.

Cette famille comporte environ 800 espèces réparties en 40 à 45 genres.


Un peu de botanique

Les feuilles des plantes de cette famille sont alternes et découpées. Elles sécrètent un latex pouvant être transparent, blanc ou jaune/orangé. Ce latex est souvent riche en alcaloïdes. Les alcaloïdes sont des dérivés d’acides aminés. Chez les Papaveracées, ce sont plus précisément des alcaloïdes isoquinoléïques que l’on retrouve.

Les fleurs sont composées de 4 pétales libres, souvent froissés dans le bouton floral, et de 2 sépales, souvent caducs. Les étamines sont nombreuses, l’ovaire est supère. Les fruits sont le plus souvent des capsules, parfois des siliciques. Ils renferment de très nombreuses petites graines.

 

Une famille aux multiples usages

 

En cuisine

Avez-vous déjà acheté du pain au graines de pavot ? Elles proviennent de l’espèce Papaver somniferum. Naturellement, ces graines contiennent très peu d’alcaloïdes. En effet, pour protéger la génération suivante, mieux vaut ne pas empoisonner les animaux qui dissémineraient ces graines ! Une consommation raisonnable n’entraîne aucun danger. Vous pouvez les intégrer dans vos salades composées, dans votre pâte à biscuits ou à tarte par exemple, pour leurs qualités décoratives ! Riches en acides gras omégas 3, 6 et 9, l’huile obtenue après une première pression à froid, appelée huile d’oeillette, accompagnera délicatement vos poissons et autres produits de la mer.


En médecine

Les alcaloïdes confèrent aux plantes de cette famille des propriétés sédatives (qui modèrent l’activité du système nerveux central), hypnotiques (qui induisent le sommeil), anti-spasmodiques (qui réduisent ou inhibent les contractions des muscles lisses), antalgiques (qui diminuent la douleur) ou analgésiques (qui suppriment la douleur). Les Papavéracées utilisées en phytothérapie sont recommandées pour accompagner l’anxiété légère ou modérée, les troubles du sommeil, les troubles digestifs et les douleurs diverses.

 

Les opiacés, une source de dépendance

Cultivé pour son latex plus connu sous le terme opium, Papaver somniferum contient plus de 40 alcaloïdes psychoactifs comme la codéine et la morphine, molécules puissamment analgésiques. L’opium est la drogue la plus efficace pour soulager les douleurs et provoquer des sensations de bien-être. C’est lui qui permet la production d’héroïne. En médecine les opioïdes, dérivés de l’opium, ont un intérêt majeur et incontestable dans la prise en charge de la douleur aiguë ou chronique. Ils entrainent cependant divers effets secondaires, au même titre que l’héroïne : somnolence, constipation, nausée, impuissance, arrêt respiratoire, étourdissement, confusion, euphorie. Ces substances entraînent également une pharmacodépendance dont il faut se méfier. Dans leurs ouvrages Jean Cocteau et Charles Baudelaire évoquent largement leurs expériences avec ces substances.

 

Quatre grandes espèces médicinales présentes en France

 

Papaver rhoeas : le coquelicot

Coquelicot - Phytothérapie Herbiolys


Où pousse-t-il ?

Assez commune, vous trouverez cette espèce dans les champs et les décombres.


Comment le reconnaître
 ?

Il existe chez nous plusieurs espèces de coquelicots rouge.

Papaver rhoeas est la plus répandue et c’est elle qui est privilégiée pour l’usage médicinal. Elle se distingue par sa capsule glabre et assez dodue. 

Papaver dubium est également très répandu et possède lui aussi une capsule glabre. Elle est toutefois bien plus allongée. Ses pétales rouges se chevauchent peu ou pas du tout.  

Papaver argemone, plus rare, présente une capsule allongée et munie de soies raides. Ses pétales sont espacés les uns des autres et tirent vers l’orangé.

Encore moins fréquent, vous pouvez trouver Papaver hybridum. Sa capsule est presque sphérique et hérissée de nombreuses soies jaunâtres. Ses pétales tirent vers le rose et ses étamines sont bleues. Espèce en très forte régression, ne la cueillez pas si vous la rencontrez !

Ces quatre espèces fleurissent entre mai et juillet.


Comment l’utiliser en phytothérapie
?

Le coquelicot (plante entière) s’emploie de façon traditionnelle contre la toux et les extinctions de voix. La rhoeadine, un de ses alcaloïdes, est antitussif, anti-spasmodique et expectorant. Il contient également des mucilages adoucissants pour les voies respiratoires. La plante entière est déconseillée chez l’enfant de moins de 7 ans et les femmes enceintes ou allaitantes. Le coquelicot s’utilise également comme sédatif pour favoriser le sommeil. Chez l’enfant trop agité qui présente une toux quinteuse, le coquelicot pourra lui être conseillé mais uniquement les pétales. Dans ce cas comptez 2 gouttes d’extrait hydro-alcoolique de plante fraîche par année d'âge, soit 10 gouttes pour un enfant de 5 ans par exemple, diluées dans un peu d’eau et réparties en 2 prises dont une quinze minutes avant l’heure du coucher.

 

Eschscholtzia californica : le pavot de Californie

Pavot de Californie - Phytothérapie Herbiolys


Où pousse-t-il ?

Originaire d’Amérique, il a été introduit en Europe au 19ème siècle d’abord comme plante ornementale. Vous le rencontrerez alors dans les jardins ou aux abords des villes, des villages.

Dans certaines régions il fait partie de la liste des espèces exotiques envahissantes émergentes sous surveillance.


Comment le reconnaître
 ?

Vous reconnaîtrez aisément l’eschscholtzia grâce à ses pétales jaunes ou orangés, très vifs. S’il prospère dans un lieu bien ensoleillé, sur un sol léger et drainé, il formera de gros massifs. Cette herbacée peut atteindre 60 centimètres de haut.


Comment l’utiliser en phytothérapie
?

Si le coquelicot accompagne les troubles du sommeil de l’enfant, le pavot de Californie accompagne ceux de l’adulte ! Il contient de très nombreux alcaloïdes isoquinoléiques lui conférant des propriétés sédatives, anti-spasmodiques, antalgiques et analgésiques.

Si vous avez du mal à trouver le sommeil, diluez dans un peu d’eau 15 gouttes d’extrait hydro-alcoolique de plante fraîche le matin et 15 gouttes le soir pendant 3 semaines. Renouveler si besoin après une semaine d’arrêt. Vous pouvez associer le pavot de Californie à d’autres plantes sédatives du système nerveux comme la passiflore, la valériane, la mélisse ou la marjolaine.

 

Chelidonium majus : la chélidoine

Chélidoine - Herbiolys


Où pousse-t-elle ?

Plante rudérale, vous la trouverez sur les bords de chemin et dans les vieux murs. Elle atteint 60 à 80 centimètres de haut.


Comment la reconnaître
 ?

Sa fleur est composée de quatre pétales disposés en croix. A la cassure de sa tige, de sa racine ou de sa feuille, un latex jaune-orangé s’écoule.


Comment l’utiliser en phytothérapie
?

A cause d’une certaine hépato-toxicité provoquée par ses alcaloïdes, elle n’est plus recommandée en usage interne, sauf en homéopathie où elle reste un remède précieux pour les hépatites.

En usage externe vous pourrez appliquer le latex frais sur vos cors et verrues, à raison de trois applications par jour jusqu’à disparition des symptômes.  Attention, évitez la peau saine pour ne pas la brûler.

 

Fumaria officinalis : la fumeterre

Fumeterre - Phytothérapie Herbiolys


Où pousse-t-elle ?

Elle pousse sur les chemins et les terrains incultes.


Comment la reconnaître ?

Son feuillage découpé semble sortir de terre, comme un nuage de fumée. Ses fleurs sont roses, disposées en épis. Elles me font penser à de petites têtes de dragons ! La plante entière atteint une trentaine de centimètres de haut, elle peut aller jusqu’à cinquante.


Comment l’utiliser en phytothérapie ?

La fumarine qu’elle contient possèderait des vertues anti-histaminiques, anti-inflammatoires conférant à cette papaveracée un tropisme pour les allergies saisonnières. La fumeterre est également ampho-cholérétique et anti-spasmodique du sphincter de l’ampoule hépatopancréatique, ce qui en fait un remède de choix pour les dysfonctionnements hépatiques.

Si vous souffrez de migraines d’origine hépatique, associez la fumeterre au romarin et à la camomille matricaire, sous forme d’extrait hydro-alcoolique. Diluez 15 gouttes de chaque dans un fond d’eau, à prendre 30 minutes avant le déjeuner et le dîner pendant 21 jours.

 

Sur les quelques 800 espèces de cette famille, seules une quarantaine sont présentes en France. Famille de plantes toxiques, il y a peu d’espèces utilisées pour leurs propriétés médicinales. L’exemple des papavéracées illustre la célèbre maxime de Paracelse « tout est poison, rien n'est poison : c'est la dose qui fait le poison ». Mal utilisés les alcaloïdes isoquinoléïques renfermés par certaines espèces entraînent de graves troubles et une dépendance. Bien utilisés, ceux d’autres espèces sont salutaires pour de nombreux maux.

 

Claire Mison, praticienne en Herboristerie traditionnelle


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